1. Changement de braquet

 

Lorsque l’on dresse le bilan de la première année d’existence des FAFL, force est de constater que De Gaulle n’a pas réussi à créer d’unités stables et autonomes. Au milieu de 1941, il n’existe que des embryons d’unités, ne rassemblant pas plus d’une soixantaine d’avions d’origine française et anglaise, souvent à bout de souffle, manquant de pièces de rechanges et sujets à des pannes répétées.

C’est pourquoi, lorsque le colonel Valin devient le commandant en chef des FAFL le 1er juillet 1941 au Caire, De Gaulle lui confie, comme mission prioritaire, la création de groupes autonomes et stables. Valin prend prétexte des négociations qu’il avait menées au moment des combats de Syrie et du Liban de juin 1941 pour négocier la création de deux groupes FAFL autonomes avec les Britanniques. Valin se rend en Egypte, avant même la fin des combats, pour négocier avec les britanniques et les représentants de Vichy, le ralliement des troupes de l’armée d’armistice qui voudraient passer dans le camp Gaulliste. Il s’agit pour lui de récupérer un maximum d’hommes, d’avions et de matériel, conditions essentielles de l’avenir des FAFL. Or de graves incidents surviennent entre Britanniques et Français libres : les seconds reprochant aux premiers de les empêcher de récupérer le matériel abandonné par les vichystes et même, de les empêcher de rallier les Français qui devaient être rapatriés en métropole. Après bien des conflits, il réussit finalement à obtenir la mise à disposition des aérodromes de Syrie et du Liban, du matériel et du ralliement d’un certain nombre de mécaniciens attachés à ces bases.

C’est grâce à ce personnel d’infrastructure que les premiers groupes peuvent être crées. Pour des raisons de propagande, les noms des groupes sont des noms de province et le nom des escadrilles sont des noms de villes. D’après les accords passés avec les Britanniques, les groupes sont formés selon le modèle de la RAF, les pilotes excédentaires y étant détachés.

Sept groupes FAFL voient ainsi le jour entre septembre 1941 et juin 1943 (IIe de France, Lorraine, Alsace, Bretagne, Normandie, Artois et Picardie) auxquels il convient d’ajouter les Lignes Aériennes Militaires (LAM) et les compagnies de parachutistes.

 

2. Premier groupe de chasse FAFL en Angleterre

 

C’est au début de l’été 1941, que l’Air Ministry autorise la création d’un groupe de chasse commun Air-Marine baptisé « île de France » et qui devient le squadron 340 dans la RAF, premier groupe autonome des FAFL. Il est basé à Turnhouse, près d’Edimbourg, et dirigé par un Britannique. Le groupe est relativement inactif et de nombreux petits conflits éclatent entre le personnel français et anglais, les Français feignant de ne pas comprendre l’anglais. La situation administrative du groupe n’arrange en rien la situation car il dépend des FAFL, des FNL, de l’Air Ministry et du Fighter command. Fin 1941, les deux premiers « Spitfires » arrivent enfin mais ce sont deux pièces de musée, ayant servi à entraîner de nombreux pilotes un peu partout en Grande-Bretagne. En janvier 1942, le groupe part à Glasgow pour y être transformé sur « Spitfire V ».

Au milieu de 1941, le commandement des forces aériennes françaises a été enlevé à la Marine. Celles-ci ont obtenu leur autonomie, installant leur état-major au lycée français de Londres.

 

3. Le calme en Afrique du Nord Vichyste

 

Le général Weygand, dont les véritables sentiments ont été percés par les Allemands et qui assumait le commandement de la délégation générale du gouvernement et de l’ensemble des forces vichystes en AFN, est remplacé par le général Juin, comme commandant en chef des forces armées. Quant à elle, la délégation générale est supprimée.

Deux évasions se produisent : Un Glenn GM167F du GB 1/22 s’évade de Rabat le 14 février et se pose à Gibraltar ainsi qu’un autre de l’escadrille 7B de l’Aéronavale en mars.

 

4. La tempête au Moyen-Orient

 

Début 1941, les Anglais se battent en Grèce contre les Allemands qui ont envahi le pays pour aider leur allié Italien. Ils se battent aussi en  Crête contre les Allemands qui veulent verrouiller la méditerranée ainsi qu’en Lybie contre l’ « Africa Korps » de Rommel qui les a repoussé jusqu’à la frontière égyptienne encerclant Tobrouk, dernier verrou avant Le Caire.

Dès mars 1941, l’ECF n°1 (ex FF2 basé en Egypte) est affecté à Athènes avec ses 6 « Hurricane » puis, en avril, à Tobrouk au squadron 73 flight C où il livre 26 combats avec 18 victoires. En mai, le squadron 73 prête 5 pilotes français au squadron 274 qui vient de subir de lourdes pertes en Crête. De retour en juin, ils poursuivent les sorties opérationnelles en juillet et août 1941.

Création du Groupe de Bombardement GB2

En mars 1941, les équipages inactifs demeurés en AEF récupèrent les trois Glenn Martin 167F abandonnés par le GB 1/62 à Libreville pendant la courte campagne du Gabon. Ils en remettent deux en état de vol et en récupèrent trois autres en cours de montage à Takoradi au Ghana (Gold Coast). Takoradi est une base britannique où s’acheminent toutes les livraisons d’arme pour l’Egypte, évitant ainsi la mer méditerranée qui est contrôlée par l’ennemi. Huit GM167F étaient encore en caisse et les autorités britanniques les avaient réquisitionnés mais acceptèrent d’en lâcher quelques-uns devant l’insistance de l’amiral Muselier, commandant en chef des FAFL à l’époque. Les équipages sont rassemblés à Brazzaville où se forme l’Escadrille de bombardement n° 2 (GB2) avec huit8 Glenn. A la fin du mois d’avril, l’escadrille reçoit l’ordre de rejoindre les forces britanniques en Egypte. Ses huit8 Glenn effectuent par petits paquets le voyage de plus de 3 000 kms. Un des avions est perdu au décollage d’une des escales. Le trajet est bien connu car il permet à la RAF d’acheminer tous types d’avions qui sont débarqués et montés à Takoradi. C’est le 4 juin que l’escadrille est présentée officiellement aux anglais. Elle est alors affectée provisoirement pour entraînement opérationnel au squadron 223, temporairement transformé en OTU (Operating Training Unit). Toutefois, dès le 9 mai, quelques équipages sont engagés en Syrie, au Liban et en Crête. Au cours d’une de ces missions de reconnaissance au-dessus de la Syrie, les MS406 du GC 1/7 vichystes interceptent un des Glenn et blesse le mitrailleur arrière. Le lendemain, troublé par cet incident, un pilote français libre décolle et rejoint la Syrie. Cet incident rend toute l’escadrille suspecte aux yeux des anglais. Aussi pour racheter cette désertion le commandant Goumin effectue une mission quasi suicidaire de mitraillage d’avions de transport allemands au-dessus de la crête dont il ne reviendra pas.

La campagne de Syrie et du Liban

Pendant la campagne de Syrie et du Liban de juin à juillet 1941, les équipages refusent d’attaquer directement d’autres français et se bornent à des missions de surveillance et de convoyage. Les vichystes de leur côté sont composés du GC 3/6 avec 15 D520 transféré d’AFN, du GC 1/7 avec 20 MS406, du GB 1/39 avec 12 Glenn 167F, de la Flottille 4F (escadrille 6B et 7B) avec huit Glenn, de la 1AC avec 12 D520 et du GT 2/15 sur Farman 223 et affrontent les Anglais en de durs combats.

La création du groupe « Alsace »

En septembre, l’ECF n°1 est dirigé vers le Liban où ses pilotes en retrouvent quelques-uns ayant appartenu à d’autres formations de la première heure. C’est à partir de cet embryon que le groupe de chasse n° 1 « Alsace » est formé, sous les ordres du commandant Tulasne à Rayack, et complété de plusieurs pilotes français en provenance de Grande-Bretagne ainsi que du matériel issu du GC 1/7 (14 MS406) récemment dissous. En raison des retards de livraison des Hurricanes, le groupe continue d’évoluer sur du matériel hétéroclite : 15 MS 406, un D520, quatre Potez 25, un Potez 29 et un Curtiss P36 « Mohawk » en provenance de la RSAAF (Royal South African Air Force). Il n’effectue que des missions de patrouilles côtières et des convoyages d’avions entre Port-Soudan et le front.

La création du groupe « Lorraine »

Le GB2 est dissout le 5 septembre et les navigants sont regroupés à Damas pour être intégré au groupe « Lorraine » équipé de Blenheim IV (escadrilles Mets et Nancy). Ce groupe de bombardement est crée ainsi par la réunion de la majeure partie des éléments du GRB1 et de l’escadrille de bombardement GB2. Ce groupe comprenait :

  • Six équipages engagés provisoirement sur Glenn Martin 167 dans un groupe de la RAF et retirés de Libye après quelques missions,
  • Six équipages composés d’aviateurs ralliés à la France Libre en Syrie,
  • Une centaine de spécialistes et de ralliés de Syrie qui remplacèrent les Britanniques prêtés par la RAF
  • Une compagnie de chasseurs libanais.

Malgré son manque d’entraînement, le groupe est renvoyé au combat sur Blenheim en novembre avec le squadron 3 de la RAF sur la frontière italo-égyptienne, bombardant sans relâche les colonnes ennemies et participant tout particulièrement en décembre à la destruction de la division italienne Ariette. En janvier 1942, le groupe, épuisé, est envoyé au repos en Syrie. Il a alors effectué 380 sorties, largué 173 tonnes de bombes, perdu huit avions et six équipages.

 

5. Incursions dans le Fezzan à partir de l’AEF

 

Le GRB1 se trouve alors doté de 13 Blenheim IV et quelques Lysander. Il participe à la prise de Koufra (février 1941) par Leclerc et à la campagne d’Abyssinie (Soudan, Ethiopie, Erythrée) d’avril à juillet 1941 au sein d’unités britanniques. Les missions de bombardement sur Koufra sont des échecs compte tenu de la difficulté de trouver l’objectif qui est une oasis perdue en plein milieu de désert et des lances bombes inadaptés aux bombes. Les Blenheims, à bout de souffle, avec leurs moteurs usés par le sable sont repliés à Fort-Lamy. Deux équipages s’égarent et doivent se poser à court d’essence : Le premier est capturé par les Italiens et le deuxième sera retrouvé 18 ans plus tard par hasard, les corps des hommes momifiés par la sécheresse du désert. Seuls les Lysander et les Potez 29 ont réussi à tirer leur épingle du jeu, en grande partie en raison de la robustesse de leur moteur et de leur capacité à atterrir n’importe où. Alors que se profile la perspective d’une nouvelle offensive de Leclerc dans le Fezzan, la remise sur pied de l’aviation du Tchad constitue une préoccupation majeure. C’est ainsi qu’arrivent trois Maryland (Glenn 167F) et plusieurs Lysander, qui sont assemblés au parc de Bangui.

En septembre 1941, le GRB1 est envoyé en Syrie et fusionne avec l’escadrille de bombardement n° 2 pour donner naissance au groupe de bombardement « Lorraine ».

 

6. Les lignes aériennes militaires

 

C’est au problème du manque de personnel et de matériel que le général Valin s’attache à résoudre, dès son arrivée en Grande Bretagne. Mais au printemps 1941, excepté quelques équipages militaires et de vieux trimoteurs Bloch 120 coloniaux à bout de souffle, Valin ne peut mettre en ligne ni matériel, ni personnel. Il obtient tout de même de l’Air ministry un « Flying Wing » une pseudo-aile volante construite par Cunliffe-Owen (un prototype périmé). Il put envoyer une mission d’achat aux Etats-Unis qui réussit, après bien des déboires, à faire l’acquisition de deux avions de transport (un Beechcraft 18S et un Lockheed 12 « Electra Junior »). L’Electra est livré à Takoradi en novembre 1941 et vole pour la première fois à Pointe-Noire en janvier 1942. Il est ensuite utilisé comme appareil de liaison rapide par les chefs FAFL jusqu’au 1er mai 1944 où il est accidenté à Boufarik. Les événements de Syrie ,de juillet 1941, permettent au FAFL de récupérer 3 avions d’Air France (un Potez 621 et deux Dewoitine 338) ainsi qu’un certain nombre de spécialistes de la compagnie qui, refusant d’être rapatriés, rallient la France Libre. Avec ces éléments embryonnaires et disparates, Valin propose en septembre 1941 de créer les LAM et les confier au colonel de Marmier, ancien pilote d’Air France, qui est, d’abord, chargé de relier la Syrie à l’Afrique française libre puis Madagascar à Djibouti.

En septembre 41, la flotte aérienne de la France libre est des plus hétéroclites et rassemble : deux D338, deux F221 et F231, deux Potez 620 et 650 et deux Bloch 120. Tous étaient usés, périmés, sans beaucoup de pièces de rechanges. Quant aux équipages, ils étaient composés non seulement de pilotes militaires détachés des unités combattantes mais aussi d’anciens pilotes d’Air France. Une liaison régulière fut mise en place dès octobre entre Damas et Brazzaville via le Caire, Khartoum, Fort-Lamy et Bangui. Ces vols bimensuels accomplis jusqu’à l’automne 1942 représentent de véritables tours de force. Il fallait 500h de travail sans outils ni pièces de rechange après chaque retour à la base de Damas.

De manière anecdotique, retrouvé par les FAFL en juillet 1941 à Beyrouth après la campagne de Syrie, un Cant Z 1007bis de la commission d’armistice italienne est remis en état de vol. Cet avion avait cassé son train d’atterrissage en février 1941 et fut baptisé « Bir Hakeim ».

 

Bibliographie : Voir 1945

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